Des logos, le designer Max Elbling en a imaginé des centaines, comme par exemple ceux des émissions de Canal+ ou de la marque Rougier & Plé. Il revient pour nous sur son parcours au côté d’une légende du graphisme – Etienne Robial –, sur les évolutions de son métier et nous dispense quelques conseils indispensables pour la création d’une identité visuelle réussie.
Max, tu as commencé ta carrière chez Canal+, avec de nombreux défis à relever…
Effectivement, lorsque j’ai commencé à Canal+, le cœur de la mission était de créer des identités visuelles pour chaque émission. Mais la vraie raison qui m’a amenée à Canal, c’était pour travailler avec Étienne Robial.
Robial, légende vivante dans le domaine…
Un grand monsieur effectivement, 71 ans, créateurs de logos de Canal+, de M6, du PSG… Il avait travaillé avec Alain de Greef au sein de sa maison d’édition Futuropolis, et lorsque Canal+ a été lancé en 1984, ils ont très vite fait appel à lui pour leur identité de marque. Il a créé le fameux générique en disque qui tourne, le « TchiTcha ! », etc.
Quelle est son influence dans le domaine, et sur ton travail en particulier ?
Robial a une touche graphique minimaliste, avec beaucoup de jeux de formes et de couleurs. Cela dit son génie n’était pas en soi d’utiliser ce type de design modulaire, qui existait déjà depuis plus de cinquante ans, mais de l’appliquer pour une identité visuelle de télévision.
"Avec avec 5 formes, dix couleurs et trois typographies, tu peux faire toute l’identité d’une chaine de télé."
Tu parles de « design modulaire »… tu peux nous en dire plus ?
Pour faire simple, cela veut dire qu’avec 5 formes, dix couleurs et trois typographies, tu peux faire toute l’identité d’une chaine de télé. Aussi bien pour les émissions, qui doivent être à la fois différentes et cohérentes, que pour ce qui est print, business cards, etc.
Tu as vu une évolution dans le domaine des logos et des identités entre tes débuts en 2002 et maintenant ?
Ce domaine obéit inévitablement à des modes. Par exemple il y a environ deux ans, on voyait un paquet de logos en forme de croix avec un motif en haut, à gauche, à droite… peu avant il y a eu un gros revival de l’Helvetica. Début des années 2010, tout le monde a eu la fâcheuse habitude de faire des reflets, d’imiter de la 3D.
Est-ce qu’il est important de suivre ces courants?
Une bonne identité, un bon logo, c’est intemporel. C’est aussi simple que ça. Pour moi toutes ces personnes qui suivent ces courants, ces modes, ne feront jamais rien de novateur. Les logos de Nutella, Canal+, Nestlé ou encore Jeep, par exemple, n’ont presque pas bougé depuis leur création.

"L’informatique a certes tout chamboulé, mais le fait de continuer à travailler à la main reste une méthode de travail qui me correspond bien."
Les logiciels de graphisme sont de plus en plus pointus et accessibles. Quel regard portes-tu sur ces outils ?
C’est intéressant car quand j’ai commencé, on était en pleine période de transition entre le travail à la main et les ordinateurs. À Canal+ au départ, tout se faisait à la main : les books, le travail de recherche, etc. Par exemple lorsque j’ai travaillé sur « La Matinale », je découpais des lettres à la main dans un alphabet, les collais, photocopiais, recollais…
L’informatique a certes tout chamboulé, mais le fait de continuer à travailler à la main reste une méthode de travail qui me correspond bien. Je trouve cette méthode meilleure, pas seulement pour les yeux, mais aussi pour la créativité.
Un designer qui ne travaille que sur ordinateur serait-il moins créatif ?
Disons qu’il y a tout un tas de distractions, beaucoup de possibilité d’effets, d’options graphiques, qui finissent forcément par te déconcentrer. Quand tu n’as qu’un crayon, un papier et une feuille blanche, tu restes focalisé sur ton idée. D’après mon expérience, les bons créateurs de logo ou d’identités on plutôt tendance à travailler de cette manière.
"Il est certes essentiel de voir ce qui se fait, mais il faut essayer d'arriver le plus vierge possible. "
Quel conseil donnerais-tu à un graphiste sur le point de faire un logo ?
Habituellement, le premier réflexe d’un créateur, c’est d’aller voir ce qui se fait déjà dans le domaine. Pour moi, il est certes essentiel de voir ce qui se fait, mais il faut essayer d’arriver le plus vierge possible. Et c’est seulement une fois cette phase de réflexion amont terminée, qu’il faut aller voir ce qui existe.
Est-ce que tu aurais une anecdote sur un logo que tu as créé ?
Il n’y en a qu’un seul qui me vient à l’esprit : celui de Rougier & Plé. Pour la petite histoire, c’est un logo qui a failli ne jamais exister. J’avais fait toute l’identité avec une personne du groupe, puis lorsqu’on l’a présentée, elle n’a pas du tout plu. Nous avons dû faire un véritable travail de persuasion. Et aujourd’hui, ils l’adorent !
Mais cette anecdote nous ramène à une règle essentielle dans la création d’un logo : impliquer le décisionnaire le plus tôt possible dans la création. C’est la clé d’une identité vendue.

Pour en apprendre plus sur Max Elbling, rendez-vous sur http://www.max-elbling.com/
Crédits Photos : Nutella, Canal +, Nestlé, Jeep
Crédit iStock : 67170721